L’Animal du temps

Un plateau vide.
Simple.

Un cercle lumineux. Un rectangle. L’évidence.

De vieilles traces de pas au sol comme les traces de mains sur les parois des

grottes paléolithiques.

Puis des mots. D’abord écrits au sol.

Ils se verticalisent au fur et à mesure que le comédien lit les épitaphes écrites

par l’auteur.

Ces épitaphes prennent corps. Sont sujets à interprétations. Déclenchent

images et souvenirs. Dans un ordre. En désordre.

La machine est en route. Elle ne s’arrêtera plus. Courra jusqu’au silence.

Les mots se dressent, se lèvent, s’élèvent, s’envolent jusqu’à Dieu.

Redescendent pour parler à autrui ou aux animaux.

L’homme parle. S’exprime. Doute. S’interroge. Se dénigre. Se souvient. Doute

ou se pavane.

Les questions millénaires sont ici reformulées. Profondes et futiles à la fois.

Il s’agit alors de faire entendre tout ça. Cette joyeuse écriture. Cette profon
deur et cet humour mêlés. De rendre ces pensées limpides. Mieux : évidentes.
Pour ce faire, il faut se faire discret. Ne rien souligner. Ne rien expliquer. Sim
plement donner. Adresser.
Le corps de l’acteur sera la bouche par laquelle sortiront les mots.

La musique sera le tapis sur lequel ils se déposeront.

Là. Sujets à nos divagations, nos interprétations.

Cet homme n’est pas un fou. Il sait.

Au delà de ce texte, il s’agit aussi de répertoiriser le théâtre de Novarina. Qu’il

ne reste pas coincé dans les limbes du 20ème siècle.

Les deux protagonistes de ce spectacle en ont crée une première forme il y a
12 ans. Ce spectacle, ils l’ont joué pendant 4 ans, se faisant la promesse de viel
lir avec lui. De se donner des rendez-vous plus ou moins éloignés, pour voir… Depuis, leurs corps ont vieilli. Ils ont vécu des grandes joies. De lourdes peines. Des petits bonheurs. Depuis, le monde a changé. Modelé par la violence, la rapidité et la profondeur des crises successives.
Alors naturellement, leur lecture de ce texte s’en trouve modifiée. Leur restitu

tion en est forcément boulversée.

D’un duo rock, ce spectacle est devenu un seul en scène, où la musique se fait

entendre, laissant le corps aux mots de l’auteur.

+ Dossier Animal du temps

ONE TWO, ONE TWO

Se tenant à la frontière du spectacle de danse et du concert, cette pièce explore le format du duo, du pas de deux en  revenant aux fondamentaux du «comment passer du 1 au 2 » en abordant la question de façon très concrète, voire mécanique : Comment «entrer» et «sortir» à deux ? Quels premiers contacts ? Quelles stratégies d’approche ou d’éloignement ? Quels liens ?

Décortiquer les bases du « couple », c’est aborder la question tout aussi philosophique et essentielle, que rebattue, de ce que soulève émotionnellement la relation à l’autre.

Tout en s’inscrivant de façon documentée dans les questionnements actuels autour du féminisme, de l’hétéronormativité et de l’institution-couple, cette création relate, non sans humour, une trajectoire subjective qui cherche à brouiller les pistes et à désacraliser le hiatus entre références pop ou underground et celles « dites » plus érudites et élitistes.

XXX

Trio pour une danseuse, une électroacousticienne et un batteur
Une pièce sur la disparition volontaire
Enquête, rituel, hommage
Un spectacle pour faire réapparaître XXX
XXX est une fi gure de la danse-contemporaine-des-années-80
XXX est grand, musclé, décoloré blond, il a un hippocampe tatoué sur le bras
XXX m’a off ert un hippocampe en plastique. Je l’ai mis dans mon aquarium
Le poisson rouge était déjà mort
Un jour XXX a disparu
disparu de mon enfance
disparu du milieu-de-la-danse-contemporaine-des-années-80

CHOEUR

Choeur convoque une éclairagiste, une musicienne et une chorégraphe au plateau. On dé-hiérarchise les corps, on danse ensemble, on respire ensemble. La beauté d’un moment à vivre avec le reste du monde.

« Chœur  est une forme vivante créée avec ses participant.e.s. Ici on tente de dé-hierarchiser les corps. Pour sa première tentative, Choeur convoque une éclairagiste, une musicienne, une chorégraphe : chacune sa voix mais tout le monde peut se saisir des outils de l’autre.

Quelques jours de pratiques, de rencontres, de dialogues pour faire jaillir une forme qui pose des corps, un choeur, des voix, un groupe, des modèles, des coups de gueules et toute la beauté d’un moment unique à partager avec le reste du monde. »

Audrey Bodiguel

Contre-forme

Contre-forme est une forme chorégraphique et plastique issue du projet de recherche Desport. Cette recherche immersive en milieu sportif a lieu tout au long de l’année 2023 au Paris Université Club et dans des clubs sportifs de région, dans le cadre du dispositif Artistes et sportifs associés de ville de Paris et du département de la Seine-Saint-Denis. Elle est menée par trois artistes chorégraphiques et analystes, du mouvement : Marie Orts, Talia de Vries et Roméo Agid et une plasticienne : Marion Robin. Ensemble, en immersion, les artistes et analystes du mouvement vont, en observant les entrainements et les compétitions de sports, analyser, extraire et rendre visible le potentiel chorégraphique des gestes sportifs.

Le terme « contre » exprime un mouvement vers, un contact étroit ou encore un choc advenu au terme d’un déplacement. C’est aussi l’inversion, l’opposition par rapport à une première orientation ou une première action. La contreforme est l’espace intérieur des lettres mais aussi la forme destinée à l’impression d’une seconde couleur dans un travail graphique sériel. Dans ce même domaine, la contre-forme est l’espace de la feuille qui reste après la découpe d’une forme.

La pièce Contre-forme est ainsi une série d’inversions. Elle est le choc et le contact étroit de nos regards chorégraphiques sur les pratiques sportives. Elle représente notre insistance à chercher les espaces creux, les « en-dehors » et les contours des gestes virtuoses et techniques des sportifs et des sportives que nous observons. Elle est l’espace négatif de chaque sport, ses angles morts, la contre-forme de Desport.

CARNE

Avec en point de départ la mort et ses célébrations , Audrey Bodiguel s’engage dans une exploration scénique, plastique et performative du passage de la présence à l’absence, de l’incarnation à la carne inanimée, du vivant et de l’artifice.

« Lors d’une précédente pièce je me suis intéressée aux célébrations mortuaires. C’est là qu’on m’a parlé d’humusation, un processus de transformation du corps d’un.e défunt.e en « compost » à l’aide de micro-organismes. Ce procédé est interdit en France. Naît alors en moi, la conviction que si les humain.e.s n’acceptent pas ce type de processus, qui met notre corps à égalité du monde alors il me semble difficile d’aller au bout d’une pensée philosophique et écologique contemporaine qui nous remet à nos places de vivant.e.s au milieu du vivant, en toute horizontalité.

En m’intéressant au monde funéraire, je me suis rendu compte du peu d’informations et du tabou qu’il règne autour du sujet. Beaucoup de choses sont possibles, et notamment une ré-appropriation de la cérémonie, sans que la plupart des gens n’en soit au courant. Nous sommes souvent devant le fait accompli, avec la volonté d’en finir avec certaines démarches matérielles. Or, si nous nous défaisons de rituels passés, alors que ré-inventons-nous pour honorer et faire une place à nos morts ?

Du cercueil personnalisé au Ghana, en passant par Auctus vitae, l’application française qui partage des photos et des sons en lien avec la personne décédée via des QR codes sur les tombes, il y a une inventivité bien présente. Pour moi, cette capacité de création révèle un lien entre spectacle et célébration.
Ici, je me permets de fabuler sur mes funérailles. Un hommage à moi-même, mais à côté de la plaque. Evoquer la mort en étant pleine de vie. Me surexposer puis finir en compost. Me mettre au centre pour mieux disparaître. Incarner ce qui se désincarne. Je questionne cette posture propre à l’humain, qui jusqu’au bout de sa vie, ne se prend pas pour un animal comme les autres. CARNE, (prononcez CARNEU), c’est la chair, la viande, exemple : « vieille carne ». En tant que danseuse et chorégraphe, je me pose la question : que va devenir mon corps ?

En Corée, des entreprises vous proposent de « vivre » vos fausses funérailles, afin de s’inventer un « après », une sorte de « renaissance ». Avec CARNE, j’invente une cérémonie ultra-personnalisée, poussée jusqu’au « bling-bling », avec une figure ultra-présente, presque immortelle. Liberace et ses strass de la Las Vegas sont une des inspirations. Cercueil tunning, écran intégré, bar à cocktail intégré ou encore madison/flash mob d’adieu. Tenter de contrôler jusqu’à sa propre mort, figer une image de soi et transmettre au public en présence ses dernières volontés, comme les exécuteurs testamentaires. Je pars de cet extrême qui m’évoque un monde, pour aller jusqu’à la polarité inverse : finir en compost, se soumettre à l’incontrôlable et à la matière organique en mouvement. Par ce prisme, CARNE évoque la fin d’un monde, d’une pensée et son effondrement. Comment apprendre à redevenir mortels et comment nous réconcilier avec notre impermanence : CARNE dans sa dramaturgie, suit ce processus, strate après strate.

Accepter de perdre de sa superbe et que quelque chose s’effondre, pour accéder à ce qu’est notre corps réellement : un organisme vivant, en perpétuel mouvement. Alors la mort devient vie et le cycle pose la question inverse : n’est-pas le personnage « bling bling » du début qui semble mort et l’absence de la fin qui nous laisse un souvenir vivant ? »

Audrey Bodiguel

Le temps des fins

Dernier appel de la forêt

Je viens de la campagne.

Depuis gamin, j’écris sur les arbres. À l’école primaire au couteau nous gravions nos noms avec mon amoureuse de l’époque dans l’écorce d’un sapin. Puis plus tard, une fois devenu auteur, j’ai eu l’envie pulsionnelle et répétitive de plonger mes personnages dans l’univers sylvestre. La forêt, ses habitant·es : humains et non-humains.

J’y voyais là un espace intéressant de poésie et de politique. Car en effet juste à côté de chez moi co-existaient les pensées réactionnaires les plus crasses et les pensées révolutionnaires les plus avancées qui s’exprimaient justement dans le rapport que chacune de ces pensées entretenait avec le règne animal et la forêt. D’un côté la chasse, les chasseurs, le vote frontiste, la masculinité toxique, de l’autre Bure (Zad où un centre d’enfouissement de déchets radioactifs voyait le jour), l’émancipation collective, la recherche d’une utopie commune, d’un archipel.

Durant mes études et mes lectures, je me suis souvent posé la question de l’engagement politique. Faut-il lutter au sein du système ? Créer un monde en dehors de celui-ci ? Ou bien faut-il tout brûler ? Produire une tabula rasa susceptible de recréer un monde sur des bases plus saines…

Dans Le temps des fins, il est question de tout cela. D’utopies et de forêts. De fin d’un monde, de désastre annoncé, et surtout, et toujours, de luttes. Car face aux annonces collapsologistes d’un effondrement programmé, d’un monde en sursis, quelles armes avons nous pour lutter ?

Le temps des fins sera le récit de ces hommes et femmes sans monde, pris·es au piège entre un monde qui tarde à mourir et un autre qui tarde à naître.

Guillaume Cayet

Les corps incorruptibles

enquête intime sur la gestion des dépouilles mortelles

Comment souhaitons-nous traiter le corps d’un.e proche, où qu’il soit traité?
Quelles sont les lois existantes et à qui remet-on le droit de s’occuper d’une dépouille?
Comment peut-on faire autrement aujourd’hui avec nos morts, si ce qui est proposé ne nous convient pas? Quelles sont les alternatives possibles?
La thanatopraxie est une des premières propositions que l’on fait aux familles lors d’un rendez-vous dans les grands groupes de pompes funèbres. Mais de quoi s’agit-il ?
Comment est née la thanatopraxie, quel est son ancrage dans notre culture et pourquoi a-t-elle pris toute la place dans le traitement des corps en Occident?

Avec ce spectacle, il s’agira de se questionner sur la position que l’on choisit d’adopter par rapport à une dépouille mortelle, individuellement et collectivement.

L’ambiguïté du statut de cadavre (à mi-chemin entre la personne et l’objet) rend floues les notions de droit. Le monde du funéraire reste ainsi encore opaque pour la majorité. J’aimerais par ce spectacle arpenter davantage ce milieu et pouvoir donner à voir ses contradictions, afin de se réapproprier ce qui nous constitue depuis la nuit des temps, notre besoin de donner sépulture. Le cheminement du spectacle fera en sorte d’ouvrir les possibles, de donner des clés aux spectacteurices pour agir en dehors des sentiers battus et l’orienter dans ce vaste sujet.

Pour répondre à ces questions, je convoque avec moi au plateau, ma mère.
Avec ma mère comme actrice à mes côtés je vois qu’un écho intime et générationnel est possible, dans cette enquête sur la destinée de sa future dépouille.
Nous serons deux vivantes et un troisième acteur inerte sera d’importance au plateau : le cadavre de ma mère, son double.

Aurélia Lüscher

Jeune mort

Jeune mort est un récit violent, à vif.

Le récit d’une jeunesse brisée.
Le récit d’un embrasement.
La chronique journalière d’un homme, au milieu d’autres, le jour de l’inauguration par la mairie d’un centre d’accueil pour réfugié·es.
Guillaume Cayet

Avec Jeune mort, Guillaume Cayet poursuit son travail à la lisière de l’écriture politique et poétique. Ici il se déploie de façon très intimiste, dans un dispositif radiophonique-live, accompagné par le compositeur musical Karam Al Zouhir, et le créateur sonore Antoine Briot ; une façon de faire parvenir la parole et l’imaginaire au plus près.

MIDDLESEX

Création juin 2025 / Festival le Printemps des Comédiens, Montpellier

Katia Ferreira a initié depuis 2017 un cycle de réflexion et de création autour de « la jeune fille ». II s’agit de se demander quelle place elle occupe et on lui accorde dans la société, depuis les années 1970 jusqu’à nos jours, en questionnant les évolutions qui se sont opérées en terme d’éducation, d’émancipation et de représentation dans l’art.

First trip, le premier volet de ce cycle, est l’adaptation du roman Virgin Suicides, écrit par Jeffrey Eugenides, qui raconte comment au milieu des années 1970 dans la banlieue tranquille de Détroit, cinq sœurs se sont donné la mort. Rien dans l’apparente normalité de la famille Lisbon ne laissait présager le suicide de ces sœurs. Vingt ans après, leurs jeunes voisins, devenus pères de famille, n’ont rien oublié de ce drame dont l’énigme reste entière.

Le deuxième volet de ce cycle sera une adaptation du roman Middlesex, du même auteur. Il raconte l’histoire de Calliope Stephanides, narrateur.rice et protagoniste d’origine grecque, qui part à la recherche de son identité. Cal/liope est intersexué.e mais cela n’a pas été détecté à la naissance: iel a été inscrit.e comme fille à l’état-civil et a eu une enfance parfaitement normale jusqu’à la puberté.

Comme dans son premier roman, Jeffrey Eugenides raconte l’histoire de l’Amérique à travers des destins singuliers, familiaux. L’écrivain met en parallèle le sentiment d’étrangeté que ressent Calliope au moment de sa puberté avec celui ressenti par ses grands-parents fuyant la région de Bursa et l’invasion turque pendant la catastrophe de Smyrne/Izmir en 1922, pour émigrer aux Etats-Unis. À l’intersection de l’individuel et du collectif, ce roman d’initiation saisit, à travers la vie bouleversée de Cal, tous les soubresauts du monde au début du 20ème siècle, mais aussi des Etats-Unis : la fin de la première guerre mondiale, la crise de 1929, l’industrie automobile, l’immigration, la prohibition, la guerre du Vietnam, les émeutes raciales etc.

Middlesex n’est donc pas tant le récit de Cal que celui de toute sa famille, et ce, sur une période de plus de 70 ans.