Nos Empereurs est une saga familiale. Sous la forme d’une grande fresque humaine, au réalisme tantôt cru tantôt magique, Nos empereurs raconte l’histoire d’une famille française, arrivée avec l’établissement d’une colonie dans un pays d’Afrique, sur plusieurs générations jusqu’à nos jours. Missionnaires, militaires, mercenaires et expatrié·e·s se côtoient dans cette fable, aux allures de conte fantastique. En creux, c’est avant toute chose l’histoire d’une terre spoliée, de peuples dominés, l’histoire de luttes et de soulèvements anti-coloniaux que ce spectacle raconte. Nos empereurs nous plonge au cœur de la présence blanche et française en Afrique, avec ses fantômes, ses vampires blancs et ses empereurs tyranniques. Une tentative théâtrale poétique et politique d’écrire une certaine histoire du colonialisme et du néo-colonialisme.
Une pièce sur la domination, la dépossession, le délire impérial. Mais aussi une pièce sur les résistances, les fractures et les brèches. Car là où il y a violence, il y a lutte. Là où il y a oubli, il y a mémoire. Et là où il y a théâtre, il peut y avoir transformation.
La bête broutait
Dans La bête broutait – que pouvait-il y avoir de plus ?, une conteuse sonde la vie intérieure d’une jument vivant seule dans un pré clôturé. Au gré des brouts-brouts et des rêveries, le regard au ras des pâquerettes ou absorbé dans le lointain, une existence se dessine, « pour rien » ou « malgré tout ». Ce faisant, une langue s’invente aussi, comme un pont brinquebalant entre deux espèces qui se côtoient depuis des millénaires dans l’amour et la violence.
« Depuis que je suis mère, les animaux de la ferme ont fait leur entrée dans mon quotidien, dans une langue particulière, celle du conte pour enfant. Cet usage du vivant au profit de l’éducation de notre progéniture me questionne, me faire rire et me scandalise. Elle a quelque chose de grinçant à l’âge de l’anthropocène, alors que l’activité humaine est repérée comme la cause de la disparition de la biodiversité. Avec La bête broutait, je souhaite écrire un contre-conte animalier, dont l’héroïne serait non pas le jeune enfant, ou le petit ours, mais une femelle, mise en retraite anticipée, mal sevrée de son poulain, isolée dans un pré. Témoignant de l’hybridité du vivant, entre naturel et artificiel, et de l’imbrication du règne animal avec le politique.
Je souhaite plonger dans les actions répétitives du vivant : brouter, avaler, déféquer, dormir, se défendre contre la mouche, actions essentielles et avilissantes, et par là- même sonder de nouvelles temporalités théâtrales.
En tentant de plonger au plus près du vécu-jument avec les mots qui sont ceux de mon espèce, je fais le pari que de nombreux thèmes rejoindront notre vécu humain : labeur, compétition, maternité, résignation, assignation à résidence inconscientes, espoir. »
TWO
TWO est une pièce sur la relation à l’autre, les relations possibles à toute forme humaine que l’on rencontre. À partir d’un dispositif simple, un espace limité de 2m par 2m, deux performereuses cherchent à entrer en contact puis se libérer de ce contact. Personne ne sait ce qui va se passer, ni le public ni les performereuses. TWO est une forme qui s’écrit à l’instant présent pour dévier des enjeux de représentations de certaines relations. Ainsi, Audrey et un-en interprète y explorent la découverte d’un corps étranger à iels-mêmes, l’accord & le désaccord des corps, la fusion, le repoussé, la domination, la violence, l’extrême tendresse. Iels s’y confrontent aux frontières des relations, sans apposer de rôles afin que toustes y apposent son interprétation : couple, amitié, sororité, maternité, parenté, rivalité, etc.
TWO se joue dedans, dehors, en 1H30, en 4H et certainement d’autres dispositifs à expérimenter ! Cette pièce peut être vue par bribes ou dans son entièreté. Elle est un travail à vue. Un moment non spectaculaire mais hypnotisant. C’est aussi une forme de rencontre d’Audrey avec un.e performereuse. Dans TWO, on se relationne sincèrement : c’est la réalité et la fiction qui se jouent en même temps.
QUEEN B – Devenir reine
POINT DE DEPART
Olivier Michel, programmateur de la Péniche Pop, et Elise Dabrowski, artiste associée, ont invité Pauline Tremblay à créer une performance autour de Run the worlds (Girls) de Béyoncé, dans le cadre du Festival (Re)Mix# 4 «Protest songs, musiques de résistance».
L’analyse du clip de Run the World (Girls) de Queen B. est devenue l’occasion pour la chorégraphe de revisiter sa propre trajectoire de féministe en tant que femme née dans les années 80 : de la devise « si tu sors comme ça il va t’arriver des bricoles », en passant par le Girl Power des Spices Girls, le punk, le féminisme universitaire, la réappropriation du male gaze, les tuto de danse sur YouTube, les premières manifs pour l’avortement, Metoo, les premiers cours de danse et les premiers lumbagos…
Le décryptage chorégraphique, iconographique et socio-économique du clip de Béyoncé de 4 minutes devient le support pour retraverser 4 décennies d’une quête d’émancipation plus ou moins réussie.
C’est une performance féministe Pop qui n’en est pas moins punk.
Woyzeck ou la vocation
Tünde Deak en dialogue avec Woyzeck de Georg Büchner
En 2001, Tünde Deak assiste à la MC93 à une représentation de Woyzeck mis en scène par Arpad Schilling, qui déclenche sa «vocation». En relisant la pièce aujourd’hui, elle s’interroge sur ce qui a bouleversé la jeune femme de vingt ans qu’elle était dans l’histoire tragique de ce personnage misérable qui finit par tuer le seul être qu’il aime, au point de faire naître en elle le désir de se consacrer au théâtre. Après avoir interrogé les tiraillements de la double-culture, Tünde Deak souhaite explorer les espaces de création qu’elle ouvre: comment la découverte de ce spectacle en langue hongroise a finalement été l’occasion de rencontrer un autre langage, celui du théâtre. Woyzeck ou la vocation mêlera les fragments de Büchner et une enquête autobiographique fondée sur le souvenir du spectacle, à la recherche de ce qui a pu agir aussi profondément sur la spectatrice d’alors et l’autrice et metteuse en scène d’aujourd’hui. Au cœur de la question de la vocation, il y a celle du devenir soi.
ICI MAINTENANT ENSEMBLE
ICI MAINTENANT ENSEMBLE est une traversée du théâtre en immersion dans des tableaux vivants en résonance avec le monde autour de nous. Une performance jaillissant de quelques jours de création, de nouvelles rencontres, de trois ans au Nouveau Studio Théâtre.
Ce voyage du public dans le lieu est aussi un terrain d’expérimentation pour sortir des rapports traditionnels dans et en dehors du théâtre.
Aller autour, dedans, très proche, avec, en suivant, au loin : tout invite aux mouvements de pensée et de corps. C’est une incitation à s’engager autrement. Il y a aussi l’envie de créer vite, d’expérimenter de nouveaux chemins, de sculpter une matière brute, de jouer avec les signes donnés aux spectateur.ices, de nous rassembler ensemble ici et maintenant.
A L’Escita (A la sortie)
Depuis ma découverte de l’œuvre de Luigi Pirandello, mon premier amour théâtral, j’ai souvent voulu mettre en scène cette pièce aux accents beckettiens, cachée dans une pléiade entre deux œuvres monumentales du maître sicilien.
Les morts sont physiquement présents en Corse, comme partout en méditerranée. Ils habitent les villages, avec ces chapelles au milieu des vivants, sur les terrains familiaux, accolées aux maisons. Ils seraient l’origine du nationalisme, du sentiment d’appartenance à une terre.
J’ai demandé à Jean-Toussaint Plasenzotti de traduire All’Uscita en langue corse, la langue de mes morts, une langue que je ne parle pas. Elle revêt dans mon imaginaire une dimension « historiquement » populaire. Elle m’apparaît comme une langue de la ruralité, une langue ouvrière, un parler de la rue, une poésie de la réalité comme dirait Pasolini.
Nous jouerons dans les villages, en extérieur, en choisissant des lieux forts pour dire cette histoire. Pirandello fait dialoguer le monde des vivants et le monde des morts. Il construit une pensée philosophique mélancolique et il convoque les artifices de la comédie, avec son rythme, des coups de théâtre, le pathétique drame bourgeois, ces personnages empêtrés par eux-mêmes. Un mélange indissociable et continu de comédie et de tragédie qu’on appellerait la vie. Et ce sera dans la vie des autres que nous dirons cette parole.
François Orsoni
Il n’y a pas plus casanier qu’un animal sauvage
« Le travail avec les danseur.se.s amateur.ice.s tient une place importante dans mon parcours. En tant que danseur, j’ai accompagné plusieurs chorégraphes dans des créations participatives : Olivia Grandville (FOULES – 2014), Tatiana Julien (Turbulences – 2018), Aurélie Gandit (Visite dansée de l’Arsenal de Metz – 2015).
Avec mon travail, j’ai développé des danses et des outils de transmission accessibles au plus grand nombre, ce qui m’a permis d’aller à la rencontre de nombreux.ses amateur.ice.s. Au fur et à mesure, l’envie de faire une pièce pour et avec ce public est devenue une évidence.
C’est pourquoi en 2024 et 2025, je vais mener un laboratoire de recherche qui sera le point de départ d’une future création. J’y questionnerai les comportements que développent les animaux pour entrer en relation, à travers un langage non verbal qui s’appuie sur le corps. Je souhaite me concentrer principalement sur les comportements adoptés lors des parades amoureuses.
Nous autres, êtres humains, avons la fâcheuse tendance à nous exclure du règne animal, nous coupant souvent de nos instincts primitifs afin de répondre à des normes sociétales. Pourtant il suffit d’observer des personnes dans des contextes de séduction, entre autres, pour voir que nos corps s’expriment souvent au-delà de notre contrôle et de notre perception. Dans ce laboratoire, j’aimerais que les danseurs et danseuses se reconnectent à leur animalité pour inventer des rituels de séduction à la frontière des espèces. Il ne sera pas question de caricaturer des animaux mais plutôt de nous inspirer de certaines parades qui précèdent l’accouplement. Je pense par exemple aux animaux qui synchronisent leurs déplacements dans des danses spatiales, à d’autres qui transforment leur apparence corporelle, à ceux qui entrent dans des joutes ou émettent des sons particuliers.
En invitant des amateur.ices pour explorer ce thème, j’espère rencontrer des personnes au corps non formatés, à la gestuelle brute et instinctive. L’idée ne sera pas de leur faire traverser des danses complexes mais plutôt des états de corps, des qualités de mouvements et des actions concrètes (marcher, aller au sol, se regrouper etc.) en rapport à la musique. Je souhaite convoquer un nombre important de personnes (entre 20 et 30) afin d’aborder des travaux de groupe autour de l’idée de la meute et des rituels collectifs. J’aimerai également inviter des gens que l’on a peu l’habitude de voir au plateau, comme des personnes âgées ou en situation de handicap.
Dans mon travail chorégraphique, j’aime m’appuyer sur la structure d’une musique pour construire la danse. Jusqu’ici, j’ai toujours choisi des morceaux courts, qui n’ont pas de lien entre eux et que je rassemble au sein d’une même pièce. Pour ce nouveau projet je vais m’appuyer sur une seule œuvre musicale, ce qui me permettra de calquer la dramaturgie de la pièce sur la dramaturgie de cette musique. J’ai choisi une œuvre emblématique, très souvent utilisée en danse (oserais-je dire un cliché ?) : Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky. »
Sylvain Riéjou
L’Animal du temps
Un plateau vide.
Simple.
Un cercle lumineux. Un rectangle. L’évidence.
De vieilles traces de pas au sol comme les traces de mains sur les parois des
grottes paléolithiques.
Puis des mots. D’abord écrits au sol.
Ils se verticalisent au fur et à mesure que le comédien lit les épitaphes écrites
par l’auteur.
Ces épitaphes prennent corps. Sont sujets à interprétations. Déclenchent
images et souvenirs. Dans un ordre. En désordre.
La machine est en route. Elle ne s’arrêtera plus. Courra jusqu’au silence.
Les mots se dressent, se lèvent, s’élèvent, s’envolent jusqu’à Dieu.
Redescendent pour parler à autrui ou aux animaux.
L’homme parle. S’exprime. Doute. S’interroge. Se dénigre. Se souvient. Doute
ou se pavane.
Les questions millénaires sont ici reformulées. Profondes et futiles à la fois.
Il s’agit alors de faire entendre tout ça. Cette joyeuse écriture. Cette profondeur et cet humour mêlés. De rendre ces pensées limpides. Mieux : évidentes.
Pour ce faire, il faut se faire discret. Ne rien souligner. Ne rien expliquer. Simplement donner. Adresser.
Le corps de l’acteur sera la bouche par laquelle sortiront les mots.
La musique sera le tapis sur lequel ils se déposeront.
Là. Sujets à nos divagations, nos interprétations.
Cet homme n’est pas un fou. Il sait.
Au delà de ce texte, il s’agit aussi de répertoiriser le théâtre de Novarina. Qu’il
ne reste pas coincé dans les limbes du 20ème siècle.
Les deux protagonistes de ce spectacle en ont crée une première forme il y a
12 ans. Ce spectacle, ils l’ont joué pendant 4 ans, se faisant la promesse de viellir avec lui. De se donner des rendez-vous plus ou moins éloignés, pour voir… Depuis, leurs corps ont vieilli. Ils ont vécu des grandes joies. De lourdes peines. Des petits bonheurs. Depuis, le monde a changé. Modelé par la violence, la rapidité et la profondeur des crises successives.
Alors naturellement, leur lecture de ce texte s’en trouve modifiée. Leur restitu–
tion en est forcément boulversée.
D’un duo rock, ce spectacle est devenu un seul en scène, où la musique se fait
entendre, laissant le corps aux mots de l’auteur.
ONE TWO, ONE TWO
Se tenant à la frontière du spectacle de danse et du concert, cette pièce explore le format du duo, du pas de deux en revenant aux fondamentaux du «comment passer du 1 au 2 » en abordant la question de façon très concrète, voire mécanique : Comment «entrer» et «sortir» à deux ? Quels premiers contacts ? Quelles stratégies d’approche ou d’éloignement ? Quels liens ?
Décortiquer les bases du « couple », c’est aborder la question tout aussi philosophique et essentielle, que rebattue, de ce que soulève émotionnellement la relation à l’autre.
Tout en s’inscrivant de façon documentée dans les questionnements actuels autour du féminisme, de l’hétéronormativité et de l’institution-couple, cette création relate, non sans humour, une trajectoire subjective qui cherche à brouiller les pistes et à désacraliser le hiatus entre références pop ou underground et celles « dites » plus érudites et élitistes.