Regarde les lumières mon amour

Un hypermarché, avec des gens dedans. Souvent, cette femme – on l’appelle A – y va et écrit ce qu’elle y voit : un condensé de notre société, mais aussi un lieu riche en rencontres et en possibilités. Marie-Laure Crochant porte à la scène le regard à la fois subjectif et sociologique de la romancière Annie Ernaux. Parce que « voir pour écrire, c’est voir autrement ».

Cergy-Pontoise, Auchan. Pendant un an, A. tient le journal de ses visites régulières à l’hypermarché. Au fil des saisons, un lien étrange se tisse entre l’hypermarché et cette femme qui y trouve peut-être un remède à sa solitude, un trait d’union, une source d’inspiration. Son regard aiguisé, ses mots vifs révèlent son plaisir à déambuler dans ce « lieu commun » enfin digne d’être raconté. Mais aussi des questionnements sur une toute autre réalité, bien dissimulée sous l’avalanche des promotions et l’abondance généralisée.

Sur scène, aucune image de supermarché. Il sera suggéré : un mot, un son, un geste. Juste un meuble immense, la « penderie » que A. construit et déconstruit au fil des saisons. Est-on chez elle, dans un showroom où le bien-être domestique est mis en scène ou dans un espace imaginaire?

« La vie. La vraie » scande la Voix dans les étals immenses qui deviennent dans la bouche d’A. autant de scènes d’un petit théâtre aussi poétique que critique ; autant de souvenirs, intimes et collectifs où le réel et la fiction ont tendance à se confondre jusqu’au vertige. A. joue à jouer, endosse tous les rôles, se transforme, tour à tour drôle et émouvante, pour nous rendre sensible ce monde moderne et peut-être le regarder différemment.

La Réciproque poursuit avec ce spectacle son interrogation poétique et théâtrale sur la manière dont on vit, représente et rêve notre siècle. Pour voir un peu quel est son avenir.